200 000 euros. Ce n’est pas le chiffre d’affaires d’une PME, mais le revenu net annuel que peut toucher un anesthésiste-réanimateur en secteur libéral. À l’autre bout de l’échelle, un généraliste hospitalier salarié peine à atteindre le quart de cette somme. L’écart, loin de se réduire, s’accroît d’année en année, creusé par la rareté de certains profils, la pression des gardes et la montée en puissance des disciplines les plus sollicitées.
Le paysage des rémunérations médicales ressemble à un patchwork où certains spécialistes, comme les radiologues ou les chirurgiens, voient leurs honoraires annuels dépasser largement les moyennes. À formation similaire, des médecins voient pourtant leur rémunération plafonner, malgré d’intenses journées. Ce fossé, bien ancré, façonne durablement la hiérarchie du monde médical français.
Comprendre les grandes tendances des salaires médicaux en France
Impossible de parler des revenus des médecins sans évoquer leur diversité. Selon la DREES et la Carmf, le revenu moyen des médecins en 2021 s’élevait à 124 000 euros. Un chiffre trompeur tant les écarts sont marqués. Depuis, la tendance ne fait que s’amplifier, surtout du côté des spécialités techniques, où la demande et la maîtrise de technologies avancées tirent les revenus vers le haut.
Plusieurs facteurs expliquent ces disparités de salaires. Les voici :
- La spécialité choisie, le mode d’exercice, la région d’installation, l’expérience, le nombre d’actes réalisés et l’utilisation de technologies médicales.
- Un radiologue libéral en Île-de-France ne gagne pas comme un généraliste en zone rurale.
- Les chiffres de la Carmf, qui regroupe les médecins libéraux, illustrent parfaitement la variété des parcours.
Les écarts de revenus ne se cantonnent pas à l’opposition entre disciplines. À l’intérieur d’une même spécialité, la différence se creuse entre médecins chevronnés et jeunes installés, entre territoires attractifs et zones délaissées. La féminisation du métier ajoute un autre prisme : en 2021, les femmes médecins gagnaient en moyenne 90 000 euros, contre 148 000 euros pour leurs homologues masculins.
Voici les grandes tendances observées selon les catégories :
- Spécialités techniques : revenus en forte hausse (radiologie, anesthésie-réanimation, chirurgie).
- Spécialités cliniques ou médecine générale : progression plus lente, dépendante de la valorisation des actes.
- Effet géographique : Paris et la région PACA concentrent les rémunérations les plus élevées.
Les dernières données le confirment : la grille des rémunérations médicales évolue, portée par les spécialités techniques, la montée en puissance de la technologie et, pour certaines spécialités, une valorisation progressive des actes. Pourtant, la diversité des modes d’exercice, la démographie médicale et les choix de carrière maintiennent ces écarts à un niveau élevé.
Pourquoi certaines spécialités rapportent-elles bien plus que d’autres ?
Si certaines spécialités se démarquent autant, c’est d’abord une question de technicité et de valeur ajoutée des actes. Radiologues, anesthésistes-réanimateurs et chirurgiens orthopédistes trônent en tête du palmarès, portés par la complexité de leurs interventions et la place croissante de la technologie. Robotique, intelligence artificielle : en radiologie, ces innovations permettent d’augmenter le nombre d’actes sans sacrifier la qualité, et changent la donne économique.
L’équilibre entre l’offre et la demande joue aussi un rôle décisif. Là où les praticiens sont rares, neurochirurgie, médecine nucléaire, les honoraires grimpent. À l’opposé, médecine générale et pédiatrie, aussi indispensables soient-elles, restent en marge de cette dynamique. Les aides à l’installation, parfois généreuses dans les zones sous-dotées, ne suffisent pas à inverser la tendance sur le long terme.
Le volume d’actes annuels, la capacité à mutualiser les outils de pointe et à diversifier ses activités (consultations, interventions, télémédecine) pèsent lourd dans la rémunération. La localisation, elle aussi, n’est jamais neutre : exercer en Île-de-France n’a rien de comparable avec un cabinet isolé en zone rurale.
Enfin, chaque parcours individuel accentue les différences : choix du libéral, expérience accumulée, investissement dans la formation continue. Les spécialités les plus lucratives se situent à la croisée de la technicité, de la démographie médicale et de l’innovation dans l’organisation du travail.
Zoom sur les spécialités médicales les plus lucratives et leurs chiffres clés
En haut du classement, la radiologie s’impose sans rival. En 2025, un radiologue peut espérer des revenus annuels compris entre 220 000 et 300 000 euros, grâce à une demande forte en imagerie médicale et à la montée en puissance de l’intelligence artificielle. En deuxième position, les anesthésistes-réanimateurs affichent des revenus entre 160 000 et 250 000 euros, reflet de la technicité et de la disponibilité exigées dans cette spécialité.
Pour illustrer les écarts selon les spécialités, voici quelques fourchettes de revenus annuels :
- Chirurgien orthopédiste : 180 000, 240 000 € /an
- Neurochirurgien : 200 000, 260 000 € /an
- Chirurgien plastique : 170 000, 230 000 € /an
- Ophtalmologue : 140 000, 210 000 € /an
- Médecin nucléaire : 140 000, 200 000 € /an
Les disciplines techniques, chirurgicales ou dotées d’une forte valeur ajoutée médicale conservent la tête du classement. On retrouve aussi dans cette catégorie les cardiologues, gastro-entérologues et urologues, dont les revenus se situent généralement entre 120 000 et 180 000 euros selon la patientèle et le mode d’exercice. À côté, la médecine générale plafonne entre 90 000 et 120 000 euros, tandis que la pédiatrie et la psychiatrie se maintiennent autour de 100 000 à 140 000 euros.
Le fossé des rémunérations persiste, alimenté par la pénurie dans certaines spécialités et l’adoption massive des technologies innovantes. DREES et Carmf s’accordent : l’écart se creuse non seulement entre disciplines mais aussi à l’intérieur même de chacune, accentuant les inégalités du système.
Public, privé, libéral : l’impact du mode d’exercice sur la rémunération des médecins
Le mode d’exercice est un levier déterminant dans la rémunération médicale. En libéral, les médecins peuvent viser des revenus élevés, mais au prix d’un rythme soutenu et de lourdes charges. Les praticiens libéraux s’installent majoritairement en cabinet, avec des disparités selon la spécialité et le secteur conventionné choisi : secteur 1, secteur 2 ou secteur 3.
Côté hôpital public, le salaire est sécurisé, mais plafonné. Un médecin hospitalier débutant perçoit entre 45 000 et 55 000 euros par an. Même avec les revalorisations issues du Ségur de la santé, l’écart avec le secteur privé reste marqué. L’exercice mixte, combinant activité salariée et libérale, séduit de plus en plus de médecins qui souhaitent conjuguer autonomie et stabilité.
Pour mieux comprendre les différences selon le mode d’exercice, voici un aperçu synthétique :
- Libéral : revenus en moyenne plus élevés, mais charges sociales et fiscales importantes
- Salarié (hôpital ou clinique) : stabilité salariale, progression liée à l’ancienneté
- Mixte : combinaison des avantages et contraintes des deux modèles
La hausse de la consultation à 30 euros et les primes d’installation versées dans les zones sous-dotées ont permis à certains généralistes d’augmenter leurs revenus, sans pour autant combler l’écart avec les spécialités techniques. Les données de la DREES et de la Carmf le montrent : le niveau de rémunération dépend autant des choix de carrière que de la dynamique locale.
Ce panorama, fait de contrastes et de trajectoires singulières, dessine la réalité d’une médecine française à plusieurs vitesses. D’un cabinet de radiologie parisien à un service hospitalier de province, la question des revenus continuera d’agiter les esprits, tant chez les professionnels que chez ceux qui s’apprêtent à choisir leur voie.


